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Les activités culturelles et médiatiques de personnes issues de la diversité en Autriche piégées par

Lever le voile

En Autriche, les médias des migrants africains et leurs organisations sont-ils réellement indépendants ? On aurait pu s’y attendre, car il s’agit de petites organisations fermées sur elles-mêmes ou de médias sans véritable impact sur l’opinion. Mais il est évident que les positions qu’ils défendent sont identiques à celles de l’éventail politique de la gauche autrichienne. Toutefois, au moins les gens de bonne foi ne peuvent imaginer qu’ils ne se contentent pas de s’adosser à la propagande du gouvernement actuel des USA et de l’une des plus puissantes organisations ultrasionistes au monde, mais qu’ils y prennent une part active. Or voici qu’un article de la jeune réalisatrice austro-irakienne Sarah Al-Hashimi, paru le 12 août 2014 sur le portail autrichien « M-Media » et où elle parle de l’échec de son film « Schiebung » nous en fournit la preuve (lire ici).

Ce texte raconte que, pour le tournage de ce film, « [Simon] Inou (propriétaire de ‘M-Média’ et depuis peu de ‘fresh’, le premier magazine afro-autrichien de ‘lifestyle’), a organisé une coopération avec l’ambassade US à Vienne, encore à l’époque sous les ordres (2013) de William Eacho. » Et que « Le Ministère autrichien [de l’Intérieur] ainsi que l ‘ ‘Anti-Defamation League‘ (ADL) étaient ouverts à la coopération. »

L’appel à candidatures pour le projet vidéo « Police et migrants » (rebaptisé plus tard ‘Approches différentes’) en fournit une preuve encore plus forte. Il y est écrit en toutes lettres qu’à l’automne 2012, « M-Media, en collaboration avec l’ADL et l’ambassade US en Autriche », a organisé cette initiative « à l’intention de jeunes gens motivés d’origine immigrée ». Enfin on explique que ce film sera présenté à l’occasion d’une fête «à laquelle sont conviés des représentants des médias, de la politique et des polices autrichienne et US-américaine (sic !). Donc c’est clair : Simon Inou, non content de collaborer avec une puissance impériale mondiale et un lobby influent actif en son sein, invite de surcroît d’autres jeunes gens à l’imiter !

Il est possible que cette collaboration soit en lien avec la campagne électorale de l’actuel Président des USA, Barack Obama. Pour beaucoup d’Africains de la diaspora, à qui leur couleur de peau a valu trop souvent des expériences désagréables de discrimination et de racisme, la victoire électorale du premier Président noir des USA, avec de surcroît des racines africaines, soit apparue comme la disparition des préjudices sociaux qu’ils ont subis. Ce qui a facilité d’autant les contacts avec l’ambassade US à Vienne, qui en 2008 a montré un intérêt soudain pour la diaspora africaine et ses médias. Le premier signe visible de cette nouvelle correspondance a été la retransmission en direct de la prestation de serment d’Obama en janvier 2009, organisée pour la diaspora africaine à l’America House de l’ambassade US de Vienne. Quelques centaines de personnes d’origine africaine y ont pris part. Simon Inou était là, lui aussi. Lui-même et le public poussèrent des cris de joie sous le regard condescendant du personnel de l’ambassade.

Que le niveau Président, coloré ou pas, soit membre de l’establishment US et que ses collaborateurs et sponsors les plus proches aient des liens avec les multinationales néolibérales et le monde de la finance, ce qui excluait tout « change » (vulgairement : changement) du système, voilà un aspect qui fut laissé de côté. Pour Inou, comme pour les autres leaders de la diaspora africaine, seul comptait le précédent ainsi créé. Si un Afro-Américain avait pu se hisser à la tête de l’unique superpuissance mondiale, il pouvait en aller de même dans les autres pays. Le même jour les leaders de la diaspora africaine exigèrent, au cours d’une conférence de presse, l’accès à toutes les fonctions de l’appareil politique autrichien. Les ambitions ne manquent pas, ni un puissant soutien, qui a déjà infiltré au moins l’aile gauche de la politique autrichienne.

L’ADL a le bras long

Inviter des représentants des polices autrichienne et US à la projection d’un film très critique envers la première pose une question : l’Autriche ne se trouverait-elle pas sous le contrôle d’une superpuissance, y compris dans les affaires internes ? Que l’Anti-Defamation League soit la partenaire du projet d’un petit film nous oblige à l’envisager. Quel intérêt une organisation ultrasioniste du type de l’ADL peut-elle avoir dans une affaire apparemment aussi dénuée d’importance pour elle ? On aurait pu penser qu’après la fin de l’affaire Waldheim, en 1986, l’ADL ne devait plus jouer aucun rôle en Autriche. Or c’est une erreur. En 1997 déjà on a assisté à la naissance du Central and East European ADL Regional Office, dont le siège est à Vienne. En 2001 débute la collaboration avec le Ministère autrichien de l’Intérieur afin de former les policiers, par le biais de séminaires co-organisés avec l’ADL, dans un esprit de tolérance dans leurs rapports avec les migrants et les minorités de tout bord. En 2004, le contrat est prolongé de 2 ans. Précisément cette époque, projet « Police et Africain-e-s » (le « -e-» est révélateur) dévoile les efforts de la police viennoise pour établir des relations détendues avec les migrants africains ; c’est sûrement une retombée de cette politique. Il est du reste frappant que l’ADL disposait déjà de programmes et de formateurs prêts à intervenir, aux termes du contrat avec le Ministère. Il s’agissait de toute évidence moins du recours à une expérience acquise depuis 1985 par l’ADL dans le cadre de ses World Difference Programs,puis à partir de 1992 par l’intermédiaire du World Difference Institute que d’une mesure imposée, surtout à l’époque où la coalition bleu-noir tristement célèbre entre le parti d’extrême-droite FDP et les conservateurs du Parti populaire (ÖVP) était au pouvoir en Autriche.

Mais les activités de l’ADL ne se bornaient pas à la police. Depuis 2005 les programmes „Classroom of Difference“ de l’ADL sont en vigueur dans les écoles autrichiennes. Du reste les ONG autrichiennes reçoivent soutien et « Know-How » (vulgairement : savoir-faire) entre autres de l’ADL et des USA, qui «pratiquent un lobbying intensif auprès des ministères de notre pays », comme l’affirme le spécialiste en questions de racisme de l’ONG autrichienne Asylcoordination dans une interview[1]. La communauté africaine et ses médias ont suivi avec enthousiasme, alors que l’ADL jouait les éminences grises. On peut citer la présence depuis 2010 au conseil d’administration de M-Media du Dr Hakan Gürses, coach du programme „A World of Difference“ de l’ADL de 2001 à 2007 et actuellement directeur scientifique de la Österreichische Gesellschaft für politische Bildung (Société autrichienne pour la formation politique).

Selon toute apparence, les démocrates US et l’ADL ont réussi à inculquer leurs façons de voir au moins à une partie de l’opinion publique autrichienne, au gouvernement fédéral, aux médias et à nombre d’ONG. Ces activités étant couvertes du noble manteau de la lutte contre le racisme, l’antisionisme/ antisémitisme (considérés par eux comme une seule et même chose)et pour les droits des minorités, presque personne ne remarque que leurs militants collaborent de fait avec une superpuissance impériale et sont devenus un puissant lobby. Aux yeux de ces institutions, ils passaient et passent encore pour des idiots utiles qu’elles sont trop heureuses d’employer au service de leur propre prise de pouvoir. Ainsi ils ne contribuent pas à éclairer l’opinion publique mais - consciemment ou inconsciemment - à consolider la puissance d’une couche sociale qui travaille durablement à détruire l’humanité.

Et ce n’est pas cher payé : une aumône à leur propre organisation ou média, l’accès au monde de VIP et des excellences, de temps en temps une apparition ou un petit éloge dans les médias grand public, ou encore la participation occasionnelle à des rencontres internationales, où, devant une table bien garnie, l’on verse des larmes de crocodiles sur les souffrances de l’Afrique ou du monde et prononce de beaux discours vides. Dissimuler ses véritables buts sous de grandes phrases humanistes et sociales tirées de l’arsenal de la gauche politique est pire encore que de se déclarer ouvertement ennemi du genre humain. Des puissances, personnes ou institutions qui se drapent dans ces oripeaux ont trahi ces idéaux presque immédiatement après les avoir proclamés. Yes, we can ! Mais comment ? Avec des révolutions colorées, des endettements supplémentaires, d’autres guerres et la déstabilisation économique et politique de vastes pans du monde et - entre autres - par l’accroissement du flux de réfugiés qui en résulte.

Mais ces problèmes, on ne les voit pas. Et quelques médias de la diaspora africaine ont contribué à cet aveuglement. Leurs manitous persistent à vouloir donner absolument une image positive des Africains et de l’Afrique et veulent obliger l’opinion publique à les voir au travers des « lunettes africaines » made in USA et corrigées par les dioptries de l’ADL. Mais si l’on veut reconnaître la réalité et s’y affronter, il faut jeter ces lunettes à la poubelle. C’est seulement alors qu’on pourrait voir qui sont en réalité les partenaires du propriétaire de M-Media et de ‘fresh’ : William Eacho, le précédent ambassadeur des USA à Vienne, l’un des principaux sponsors de Barack Obama pendant sa première campagne présidentielle, qui avait répandu la fausse nouvelle que le célèbre lanceur d’alerte Edward Snowden se trouvait à bord de l’avion d’Evo Morales.

Pour ce qui est de l’ADL, elle est aux mains des hommes d’affaires juifs les plus riches et les plus influents des USA, très écoutés au gouvernement du pays. Cette organisation qui se prétend « défenseur des droits humains», a soutenu dans les années 50 la chasse aux sorcières anti-communiste de Joseph McCarthy, conféré son « Distinguished Statesman Award » entre autres à Ariel Sharon (2002) et à Silvio Berslusconi (2003) ainsi que son prix « Torch of Liberty » à Moe Dalitz* en 1982. Sachant que le premier a été responsable des massacres de Sabra et Chatila en 1982 au Liban, que Berlusconi a été impliqué dans de nombreux scandales de corruption et que Moe Dalitz était le boss des tristement célèbres « Purple Gangs », on ne conserve guère de doutes sur l’intégrité morale et la ligne politique de cette organisation.

Commence-t-on à comprendre ?

Il semble bien qu’au moins les personnes impliquées dans le projet « Approches différentes » commencent à comprendre. Sarah Al Hashimi a été menacée d’une procédure engagée contre elle par la représentante de L’ADL en Autriche si elle projetait son film en public, ce qui montre clairement à quoi vous expose une collaboration avec ce genre de « partenaires ». Des intérêts politiciens étaient sûrement en jeu. Le film « Schiebung » pourrait être utile avant les élections législatives en Autriche, parce que sa critique du Ministère de l’Intérieur, aux mains de l’ÖVP conservateur, pourrait renforcer la position du parti social-démocrate (SPÖ). Comme les démocrates US et le SPÖ entretiennent des liens très étroits, la conquête par ce parti de la majorité absolue pourrait renforcer son influence. Tel n’a pas été le cas, si bien que l’ÖVP a pu conserver le Ministère de l’Intérieur et faire pression pour que le film ne soit pas projeté en public. Les dindons de la farce ont été les «idiots utiles» : Sarah Al Hashimi et le propriétaire de M-Media, Simon Inou.

Peut-être eux au moins tireront-ils les leçons de cette histoire : il est préférable et plus honnête de penser et de créer librement, même sans soutien, financier ou autre, que de se laisser entraîner à collaborer avec une quelconque puissance étrangère, ses institutions ou organisations. En être dépendant entrave toujours la liberté de création et une position critique face à la réalité. Ce qui reste n’est plus qu’une suite d’images de propagande en noir et blanc, qui ignorent la réalité ou la déforment, en fonction des intérêts immédiats du sponsor. De telles « relations » ne font que vous salir, car aux mains de ceux qui vivent au voisinage de l’or ne colle pas seulement de la poudre d’or, mais aussi beaucoup de saleté morale.

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*Morris Barney „Moe“ Dalitz (1899 - 1989) était un gangster US membre de la „Kosher Nostra », la mafia juive. Son rôle dans le développement de Las Vegas comme « paradis du jeu » (et du reste) lui valut le surnom de „Mr. Las Vegas“. Il travailla étroitement avec Meyer Lansky, l’un des principaux architectes du crime organisé aux USA. Tous deux étaient de généreux donateurs de l’ADL [Note de Tlaxcala]

[1] « S’y ajoute le fait que des États ou organisations comme le Canada, les USA ou l’Anti Defamation League (ADL) proposent aux ONG autrichiennes soutien et « Know-How » et pratiquent un lobbying intensif auprès des ministères de notre pays. Par exemple, nous autres de la Coordination pour le droit d’asile avons été invités deux fois aux USA et une au Canada l’an dernier. » Cf. « Migrants utiles et inutiles», Interview de Herbert Langthaler (Asylcoordination Österreich, coordination autrichienne pour le droit d’asile) in Kurswechsel 1/2001, S.59-61.

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